vendredi 4 mars 2011

The Westway - The Modern World

This Is Modern World - The Jam (1977, Polydor)

This Is Modern World, le second album studio de The Jam, fut catapulté dans les bacs six mois après le séminal In The City qui présentait la triplette de Woking comme fervent défenseur du revival mod alliant avec maestria efficacité punk et conservatisme sixties.

Etonnamment, cet effort reçut un accueil mitigé auprès de ses contemporains. La chronique de Mick Farren parue dans le NME du 5 novembre 1977 y voit un album hanté par les fantômes de The Who et un manque d’inspiration certain. L’épreuve du sophomore n’a jamais été chose simple et malgré les mauvaises langues, il saura démontrer des qualités avant-gardistes.

Dans un premier lieu, Paul Weller dit adieu à l’idéalisme et l’enthousiasme effervescent d’In The City pour scander bonjour tristesse. The Jam met en musique l’aliénation sociétale et la frustration étouffe des titres comme Don’t Tell Them You’re Sane, In the Street Today ou Standards. Si le groupe se rêvait oligarque sur son premier LP, le second présente clairement son génome working class. Cet essai sera tout de même tempéré par des morceaux plus ensoleillés et speedés à l’efficacité pop (Here Comes the Weekend ou I Need You (For Someone)).

La pochette annonce la couleur grise et présente le trio quelque peu désabusé devant un paysage urbain orwellien. C’est l’extrême ouest londonien, un quartier saturnien fortement ancré dans la culture populaire anglaise. Au-dessus du groupe se trouve The Westway, un gargantuesque périphérique construit entre 1964 et 1970. Cet ahurissant axe de communication est érigé au milieu de quatre tours HLM dont l’architecture grisonnante rappelle fortement celle de l’ex-République Démocratique Allemande. Le décor parfait pour saluer une désillusion ultérieure.
 
A Weekend In The City - Bloc Party (2007, Wichita)
Ce qui a dû frapper Joe Strummer puisqu’il harangue The Westway avec sarcasme dans London’s Burning (The Clash, 1976). Egalement, Blur la mentionne comme une route sans queue ni tête dans For Tomorow (1993) et récidivera l’attaque en 2010 avec le single Fool’s Day. Puis c’est au tour de Dirty Pretty Things de jeter sa pierre avec Truth Begins (2008) et pour finir Bloc Party en fera la pochette de son excellent A Weekend in the City (2007).

Malgré leur modernisme assumé, en 1977, la boule de cristal de The Jam discerne des lendemains désenchantés et tatchéristes, des ghostown de The Specials [n’y verrait-on pas une pochette Hip-Hop avant l’heure]. Certainement, c’est l’une des raison pour laquelle la bande à Weller s’accroche à regarder dans le rétroviseur et de lécher des buvards enduits de Northern Soul. Dans tous les cas, This Is Modern World est un de ces album enregistré dans l’urgence et tirant le signal d’alarme pour mieux photographier la vision d’une jeunesse anglaise. Les albums suivants ne seront que succès dithyrambiques.