dimanche 30 janvier 2011

Little Green Street – Dead End Street


Petite rue du nord de Londres (Kentish Town), Little Green Street est un passage minuscule rehaussé d’une douzaine maisons Georgiennes. Construites en 1780, on apprécie l’une des plus ancienne ruelle de Londres. En outre, l’architecture londonienne a été quelque peu balafré par la Blitz et les chaines de restauration rapide; il faut donc se lover devant ce bijou  indemne. Ce qui n’a pas échappé aux yeux aiguisés des Kinks qui y ont tourné leur toute première vidéo: Dead End Street.   


Ecrite par Ray Davies et enregistré en Mai 1966 au Studio Pye (N°2), ce titre puise son inspiration au sein du music-hall et du prolétariat britannique. Fin 65, The Beattles sort Rubber Soul et fait un tabac à grands coups de ‘Michelle ma belle’ ou ‘Oh chérie tu peux conduire ma voiture, beep beep’. Pendant ce temps, le grand frère Davies peaufine ses paroles et les élève vers une poésie sociale chiadé. Il en accouchera Dead End Street, merveille lyrique racontant le quotidien des working class et leur situation sans issue. Mais comme tout art britannique adore l’oxymore, la dureté des paroles et audacieusement contrastée par des accords majeurs auxquels s’ajoute une fanfare de cuivres en coda. C’est ici un classique du cynisme de la fratrie Davies. Dave Davies en dira que c’est la chanson écrite par son frère qu’il préfère (ex-aequo avec Shangri La).

Dead End Street est considéré comme l’un des premier clip musical anglais. A l’époque, les réalisateurs avançaient encore à tâtons et les pionniers en la matière sont The Animals avec House Of Rising Sun datant de 1964. Dans leur vidéo, les Kinks, déguisés en croque-morts, viennent chercher un laborieux ayant rendu l’âme. Mais, une fois n’est pas coutume, le comique prend le dessus sur le drame et le mort - qui n’est autre que le roadie du groupe - s’échappe du cercueil.

Hélas le quartet ne verra pas la vidéo transmise sur les écrans car la BBC soutiendra que le clip est de mauvais gout. The Kinks n’est pas connu pour être le groupe le plus chanceux des années soixante. Ray Davies patientera jusqu’aux années 2000 pour être reconnu comme l’un des artistes britannique les plus influent de son époque. Il recevra quelques décorations dont le très rare Order of the British Empire décerné par la mélomane du rock’n’roll : Queen Elizabeth II. 

 
Par contre les musiciens anglais ne se cachent pas de considérer le quatuor nord londonien comme une influence majeure. Entre autres, The Jam a repris Dead End Street dans un style beaucoup plus épuré. Oasis rendra à César ce qui est à César, en 2005, en réalisant un hommage somptueux. Sur la même base du prolo passant l’arme à gauche, les mancuniens filment l’enterrement du croque-mort. Noel Gallagher en rajoute une couche en plaquant trois accords de guitares qui rappelleront sans nul doute l’introduction du titre des Kinks.  

A croire que les hymnes sociaux des Davies ont toujours su trouver une place dans le cœur des musiciens anglais. God save the Kinks quoi! 

 
Plus d’informations:  

mardi 25 janvier 2011

100 Oxford Street - 100 Club


Souvent cité comme le CBGB londonien, le 100 club a vu sept décennies de formations Jazz, Pop et rock jouer sur sa scène riquiqui. Situé 100 Oxford Street, en plein cœur de Londres, cette petite entreprise familiale est l’une des dernière salle modeste à tenir bon (le Roxy et le Marquee ayant déjà passé l’arme à gauche). Faut savoir qu’Oxford Street est presque l’équivalant des Champs Elysées avec ses énormes magasins type HMV, T.Mobile, O2 et compagnie. Au milieu, de ces boutiques proprettes, il y a un vieux store cradingue à moitié défoncé et une vieille enseigne lumineuse délavée…c’est le Club !    

Ouvert en 1942 sous l’égide The Feldman Swing Club, le bon tenancier Lyttelton oubliait l’apartheid social qui empêchait les personnes de couleurs et les sans cravates de s’amuser. Halleluja! Entre 1951-56, c’est l’âge d’or du club où l’époque HeyDay. ‘Chaque soirs, on avait l’impression que ça allait marquer l’histoire de la musique’ avoue le vieux Lyttelton. Par exemple, Sydney Bechet se retrouva sur scène à jouer sans être au programme. Louis Armstrong y tapa le bœuf, une nuit, comme ça. Voici encore un sujet qui entra au panthéon des douze lieux qui ont marqué l’histoire du jazz anglais cités lors du Brecon jazz Festival 2009.

Le club attirait une large audience d’étudiants et de charmantes demoiselles. Entre cigarettes, jazz et petites pépées, les années cinquante plongent le club dans une ambiance bohème. Ça ne se dévergonde pas pour autant mais ça danse un max.  Pour l’instant, le public et les musiciens se contentent de boire du café, puisque le gérant n’a pas encore sa licence bar.

Puis, en 1964, un nouveau propriétaire arrive : La famille Hortons. La programmation commence à mélanger jazz, pop et va faire un coup de poker terrible qui lui vaudra sa renommée. Quand le 100 Club pourrait être qu’une scène classique ayant éculé de nombreuses formations anglaises, il fut un ingrédient majeur à l’émergence d’un type bâtard. Horton va faire confiance à un type bizarre Malcolm McLaren voulant que le 100 Club devienne la vitrine d’une nouvelle génération : le punk.

30 mars 1976 les Sex Pistols font leur premier gig avant d’y tenir une résidence tous les jeudis. Le 20 septembre 1976, Le club accueillera le premier festival Punk anglais. Ce dernier réunit sur la petite scène : Sex pistols, The Clash, Subway Sect, Siouxy and The Banshees (dont le batteur de l’époque était un certain Sid Vicious) et cocorico The Stinky Toys (avec le très dandy Jacno et la très belle Elli Medeiros). En 76, à peine le punk est lancé qu’il fait face à la haine et l’incompréhension. Joe Strummer décrit le festival du 100 Club comme un havre où les groupes peuvent (enfin) finir leur set peinard sans avoir à éviter les bouteilles jetées par les malintentionnés. 

L’aire punk ayant fanée en deux temps trois mouvements, le club rouvrit ses portes aux groupes jazz et rythm and blues. En outre, les années 80 voient l’apparition des nuits Northern Soul avec ses sélections de rares 45 tours faites par les meilleurs Disc Jockeys du pays. Danseurs de qualité avec chemises Ben Sherman fermées jusqu’au dernier bouton, sachez que ces all-nighters sont encore d’actualité. Egalement,  le label Subculture de la marque Fred Perry y organisait quelque glorieuses réunions. Ici, vous apprécierez Terry Hall et Lynval Golding (ex-Specials) reprendre avec maestria Friday Night, Saturday Morning en compagnie de Ben Gordon, Charlie Turner et Bryan Johnson (ex-Dead 60’s).  



Ce qui participe au prestige de ce lieu est que l’on croise des musiciens aussi bien sur scène que dans la salle. Mick Avory, le batteur des Kinks, avait ses habitudes durant les années 90 et venait tous les vendredis boire un coup avec ses potes. De nos jours, il n’est pas rare d’y croiser Paul Weller,  les membres des Arctic Monkeys ou de feu Oasis. 

Mick Avory au 100 Club - Merci à Chris pour la Photo

Malheureusement, en septembre 2010, le tenancier Jeff Horton annonça que le club allait certainement mettre la clef sous la porte. Le loyer augmentant terriblement et lui ne pouvant hausser le prix de la bière ou des billets d’entrée sur la même ligne que le marché immobilier. Le voici dans une impasse. Heureusement, de nombreux artistes se sont lancés dans une campagne anti-fermeture. Ainsi, Franck Black de The Pixies a mis la main à la poche et lâcha £100 000 pour sauver le club. Liam Gallagher et Mick Jagger ont apporté leurs voix à une pétition. Ray Davies suggèrera dans une interview, avec toute l’ironie qu’est la sienne, que Simon Cowell (principal actionnaire et jury d’X Factor) sauve le club. Le pauvre chanteur des Kinks a écumé une année difficile avec la fermeture de son Konks Studio [qui fera l’objet d’un article prochain mes petits lapins] et voit la musique anglaise prendre une sombre direction.

mardi 18 janvier 2011

304 Holloway Road - RGM Sounds Studio

C’est dans cette modeste demeure que l’inénarrable Joe Meek vivait. Son mythique studio était situé sur trois étages, juste au-dessus de la maroquinerie tenue par sa propriétaire Mrs Shenton. L’histoire ahurissante de la pop anglaise mêlant légendes, chaos et génie commence ici.   

En 1960, après avoir été viré de son dernier appartement pour nuisances sonores, Joe réunis ses économies et monte son label indépendant: RGM Sounds (de ses véritables initiales Robert George Meek) et licencie l’exploitation de ses enregistrements à une major. Idée déjà martienne puisque les producteurs indés se faisaient rares et étaient tout sauf bienvenue dans le paysage anglais. Le tapage diurne continua donc au 304 Holloway road où le bonhomme installe son siège. Faut s’imaginer le premier étage avec kitchenette, chambre et bureau se transformant en salle d’attente au besoin, le second comprenait studio, salle des machines et débarras à instruments et enfin le troisième avait une chambre et salle à vivre.

Ajoutez à cela un ingénieur du son illuminé au caractère surexcité et bien trempé (voire parfois exécrable) et vous avez les ingrédients parfaits pour révolutionner l’époque. Là où Joe Meek se démarque est qu’il ne laisse personne lui dicter sa production ou même entrer dans sa cabine d’enregistrement. La raison? Protéger le secret de son écho magique bien sûr! Joe était parfaitement paranoïaque et pensait notamment que le label Decca l’espionnait et avait planqué des micros dans son appartement dans le but de lui voler ses idées. Elles étaient marginales et brillantes d’ailleurs.

Juillet 1961, le premier hit sort du studio. Johnny Remember Me chanté par John Leyton et écrit par Geoff Goddard est une ballade épique dominée par une réverbération venue d’outre-tombe. Réalisé dans des conditions précaires où un orchestre de chambre était parqué dans une minuscule salle de bain, une chanteuse lyrique donnait le la au troisième et le groupe plus Leyton dans le studio; tout ce beau monde enregistrait sur la même prise dans une incohérence Meekienne. Mais écoutez plutôt le résultat :  


Goddard et Meek faisait la paire aussi. Obstinés tous deux par les sciences occultes, ils s’en donnaient à cœur joie de faire leurs expérimentations en spiritisme. Obsédé par l’autre côté, Joe essayait fréquemment de rentrer en communication avec Buddy Holly, son idole. Pour la petite histoire, il partit au cimetière, une nuit, avec un enregistreur réglé à fond les ballons pour essayer de capter l’esprit du guitariste aux RayBan. Un échec, hélas.

Outre leurs expériences psychiques, Meek et Goddard écrivent les morceaux à quatre mains durant quatre années (de 1960 à 1964). Il en sortira des titres expérimentaux comme des tubes populaires. L’exemple même est Just Like Eddy de Heinz (1963), chanson mollassonne [qui a certainement inspiré le Rockollection de Voulzy] et nostalgique d’une période rockabilly qui se meurt dans ce Londres bientôt swinging. La légende voudrait que Meek ait mis à la poubelle la première maquette de The Beatles. Il est conté que leur manageur Brian Epstein voulait que les quatre de Liverpool enregistrent au 304 Holloway Road. La rançon de la gloire pour Meek, certainement.     

Mais Joe n’était pas pour autant arrièriste. Adepte du progrès, il s’en donnait à cœur joie lorsqu'il fallait se procurer de nouveaux instruments et autres bizarreries musicales de dernier cri. Comme ça, il acheta un clavioline qui sera l’acteur principal de son plus gros hit : Telstar. En 1962, trois semaines après le lancement du satellite, Meek est foudroyé par une mélodie qu’il met aussitôt en boite avec son groupe studio : The Tornados. Cet instrumental sera propulsé au panthéon de la pop anglaise et mis en orbite au top des ventes. Plus encore, Telstar fut le premier titre britannique à traverser l’Atlantique et squatter la première place des charts américains. Enregistré dans une maison-studio, Meek voit les majors verdir de rage et ses chevilles enfler considérablement. Délectez-vous du capharnaüm électrique et sonore en tout début de morceau. Typique des bidouillages de machines dont Meek avait l'habitude.
La deuxième partie de la décennie sixties s’annonce plus sombre. Alors que la Beatlemania, les Stones, les Kinks et touti quanti ont envahi l’Angleterre, Meek finira seul, sans avoir touché une royalty et complétement félé. En 1967, il tue sa propriétaire Mrs Sheton (qui venait lui quémander son loyer),  avant de se tirer une balle dans la tête. Joe Meek reste un personnage autant incompris qu’admiré dans le sillage de la pop anglaise. Jouant au funambule sur la frontière de la civilité et la folie, Meek ne fera aucune concession face à une industrie du disque naissante et affirmera son génie à plusieurs reprises. Chapeau bas.

Pochoir de Stewy - Holloway Road
Plus d'informations: Film : Telstar, de Nick Moran (2009)
Blog : http://www.joemeekpage.info/index.html

dimanche 9 janvier 2011

The Hammersmith Palais (de Danse) – 1919-2007




Lieu de bal devenu au fil du temps salle de concert, les planches du Palais ont vu suer les pointures de la musique britannique et internationale. Aujourd'hui à l'état de ruine, ces 2000 m² de dancefloor attirèrent plusieurs générations de londoniens en quête de concerts et de danse.

Des rugissantes années 20 jusqu'à la fin des années 50, les big bands de jazz et boogie-woogie firent vibrer l'édifice du sud-ouest de Londres. Pas étonnant qu’en 2009, lors du Brecon Jazz Festival, le Palais fût cité comme l’un des 12 lieux qui a contribué à l'épanouissement du Jazz sur les îles britanniques. Quelques orchestres de légende s’y installèrent en résidence comme les pionniers du style : The Original Dixieland Jazz Band (New Orleans) ou encore le Joe Loss Orchestra. D’ailleurs, ce dernier comptait parmi ses rangs le papa d’Elvis Costello (Ross Macmanus).

Cependant les papys et leurs musiques de big band ne réussissaient plus du tout à attirer la nouvelle génération anglaise qui avait un goût certain pour les deux roues de marque Piaggio ou Lambretta. Les mods prirent d’assaut le Palais et dégagèrent le Joe Loss Orchestra en 1964 à grand coups de Clark’s dans le derrière. La suite est connue, costumes nickels et petites gueules boutonneuses dansèrent aux sons rythm’n’blues, soul et brit rock.



Les années 70 amenèrent les douceurs carribéennes que sont le reggae et le blue beat. Ken Boothe et Desmond Dekker y firent leur armes. Bob Marley y avait élu ses quartiers généraux. Le Palais était l'unique endroit de la capitale a faire des nuits blanches aux sons noirs. Au milieu de la décénie, le punk est en pleine éclosion. Crêtes et rastas cotoient le Palais avec la même envie de montrer le vilain doigt à l'establishment.

Et c'est à ce moment précis que Joe Strummer mythifie le lieu avec la chanson de The Clash 'White Man In A Hammersmith Palais' (1979). Et lui de dire qu'il trouve quelque plaisirs à être le seul blanc dans un club de jamaicains. Cet hymne prone le fait que le reggae est resté pur tandis que le punk sombrait dans l'argent. Snif, c'est beau.

Mais réjouissons nous puisque la décénie suivante voit les plus grand groupes indie donner la messe au palais. Toutes les formations ska du prestigieux label Two Tone, The Pretenders, The Undertones, The Cramps, Toots and The Matyals ou encore PIL auront leur part de ce lieu magique.

Le Palais fut fermé le 1er Avril 2007 avec un concert The Fall. Mais la palme de la nostalgie revient au grand Paul Simonon (ex-The Clash). Alors qu'il jouait au Palais avec The Good, The Bad and The Queen, le compositeur de Guns Of Brixton défonça la scène à coups de hache pour en ramener un bout à la maison. Sur la video entubé ci-dessous vous verrez que cinq grand coups dans le plancher lui permettent de sortir une pitite allumette de bois mais surtout de confirmer qu'il a la méga classe. Sans oublier le père Damon Albarn qui se marre au second plan.





Le Palais en chansons:

The Clash – (White Man) In A Hammersmith Palais (1979)

Ian Dury and The Blockheads - Reasons to Be Cheerful, Part 3

Le vieil oncle cockney le chante dans un couplet :
'Summer, Buddy Holly, the working folly
Good golly Miss Molly and boats
Hammersmith Palais, the Bolshoi Ballet
Jump back in the alley and nanny goats'

Le Palais enregistré:

The Jam - A town called Malice Live (45 tours)
enregistré live au Palais le 14 Decembre 1981


Toots and the Maytals - Live at Hammersmith Palais
Sera sold out en un jour

The Falls – Last Night at The Palais (2007)
enregistré live au Palais le 1er Avril 2007


Le Palais filmé :

it's a wonderful world' de Val Guest (1956)